les fruits merveilleux sur fond noir

« les fruits merveilleux sur fond noir » a vu le jour après une mise en repos qui ressemble fort au sommeil de la Belle. Ce texte déjà pensé avec les dessins de Nathalie Bas, trouve son format et son ton définitif au cours d’une résidence à l’atelier de l’Amour du loup en novembre 2015. »

« Depuis 2011, je pensais souvent à ce texte baptisé « Petite » à l’époque, comme à une tentative édulcorée et inachevée qui attendait son heure. La figure de la petite fille qui occupait pourtant mon travail scientifique puis artistique et mes représentations mentales et expériences vécues depuis vingt-cinq ans, n’avait pas atteint mon intimité apaisée. Quand j’ai voulu reprendre ce travail et que j’ai commencé les lectures à mon entourage, j’ai entendu un ton ouvert à sa charge de liberté et de tranquillité. Les néologismes, les répétitions et la rythmicité compulsive qui existaient dès les premiers jets, révélaient assez bien l’isolement, l’errance et la souffrance du personnage d’Ora tout en exprimant son mystère et ses potentiels. Cette petite personne étonnamment autonome sous ma plume, apparaissait très reliée à sa vitalité, ce qui éclairait bien le texte. Je me suis de longue date intéressée à l’imaginaire féminin et en particulier aux figures féminines et enfantines dans le conte merveilleux. La figure de l’enfant dévastée et le phénomène, fréquent dans le conte merveilleux, de l’effroi créatif est un appui mental dans ma création, qu’il s’agisse de trouver une voix dans un travail musical, ou un état de corps dans un travail scénique. Mon intérêt se porte sur la part numineuse de ces êtres, leur expérience affective du sacré, le mysterium tremendum fascinans selon Otto et Jung. J’aime profondément ces figures errantes et secrètes qui alimentent la part non visible du monde et je crois qu’elles nous sont indispensables pour vivre (« In ghosts we trust – they live through us » Wendy Bevan). Aujourd’hui partout présente dans mon espace de travail, les contes, les écrits les chants mais aussi à l’atelier dans les dessins de Simon Henwood et les sculptures de Paul Toupet, je vis écris et ressens cette petite fille disparue ou dévastée par la rage, comme une figure bénéfique très chargée en énergie qui développe un appétit insatiable pour la vie. Le moment était venu de reprendre ce texte et le soumettre dans ses tous premiers mots à Nathalie Bas. Sa compréhension immédiate, son enthousiasme de grande lectrice et les nouveaux dessins extraordinaires qu’elle a conçus à mon côté au cours de la résidence à Mazeyres ont achevé l’élan. L’histoire a trouvé son corps ». ambre oz

portrait-detail

« Tous les jours à midi trois j’attends mère. Je regarde la porte à m’en extraire les rétines de la tête et ma ligne de mire est la sonnette de vélo quasi dévissé qui va grêler aigre mes tympans. L’œilleton est découvert. Petit couvercle relevé. Ça s’appelle un Judas me dit ma tante qui a levé les paupières et me regarde avec les mains qui continuent à travailler. La couture va me rendre aveugle dit-elle. Ses doigts sont blancs. Fins comme des crayons habités. Et j’ai peur que d’un instant à l’autre ses yeux s’étiolent, s’assèchent sans que je ne puisse rien pour empêcher son regard de mourir. De me faire disparaître. Tu ne sais pas toi qui est Judas. Tu es trop Petite. Salopard. Renégat. Elle dit ces mots en baissant les yeux, son visage tout entier abandonné à l’ombre, la voix basse, rentrée, méconnaissable. Meuf. Moi salopard je demande en sachant, pour la faire m’aimer. Mais non pas toi mignonne dit-elle attendrie. Tu entends la petite elle demande. Mais mamie n’entend pas. » 

 

 

 

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l’auteur ambreoz@lamourduloup.net
l’illustratrice www.nathaliebas.fr