ambre oz christophe jodet PURCELL – Mathieu Marietti – 13 au 16 septembre 2016
Ambre oZ et Christophe Jodet ont rencontré l’Ingénieur du Son Mathieu Marietti pour quelques captations. Une occasion d’extraire les nouveautés de leur confidentiel développement et de tenter d’autres environnements. C’est la si belle petite église d’Anthé dans le Lot et Garonne, qui a hébergé cette première expérience. La suite s’est tenue du 15 au 18 novembre à l’Atelier de création de l’Amour du loup, pour l’enregistrement de la bande son du premier des douze films courts imaginés par le duo pour accompagner le répertoire. C’est l’artiste Satoshi Saïkusa qui ouvrira le bal de son langage pictural puissant et raffiné.
Anthé habité de vent
Le premier jet est de joie. Nous sommes trois. Sur un fil. De l’or ou quelque chose d’approchant. Et les câbles courent sur les dossiers alignés des bancs. Des sourires ici et là s’ouvrent et vaquent entre les déplacements. Nous prenons nos marques. Installons ce qui doit l’être. Un dessein studieux et rituel prend forme humaine. Il y a du bleu entre les êtres. Nos pas claquent et vont en se précisant. L’écho décourage les paroles inutiles. La campagne autour est assez immobile pour ne sembler qu’un grand corps habillé d’herbe sèche et de vent. Des indices racontent le passé récent. Sur le seuil de l’église tournoient follement une assemblée de confettis angelots lancés la veille au visage de deux nouveaux amants. De minuscules feuilles mortes, bruyantes de sécheresse, se joignent à la ronde angélique qui sonorise le seuil. Sans doute ressemblent-elles dans leur frénésie, aux petits écorchés qui ont dû la veille s’essuyer le nez d’un revers de manche blanche sous l’œil perçant du bedeau. Des filles enniaisées par une enfance encombrante ont dû rougir et s’agiter au moment du baiser. Il ne reste de la célébration que quelques abandons vite enlaidis par la poussière. Un bourdon noir marmonne dans un langage bordé de velours ce qui semble être l’essentiel des dernières oraisons. Chape prélatice et autres gadgets liturgiques ont été rangés dans le placard de la sacristie comme dans la loge délabrée d’un théâtre de quartier. Ici on est passés de six cents têtes au tiers en cent ans, les gens s’évaporant dans les appâts mensongers d’une vie citadine prétendument meilleure au mètre carré. Mais les statues sages sont restées. Au nombre généreux d’une douzaine, arborant depuis des lustres les mêmes vêtements de plâtres doux au regard et pleins d’une naïveté colorée soigneusement appliquée entre chaque pli, elles se dressent dans une immobile fidélité au lieu, intercalées entre les croisées de vitrail. Sainte Thérèse de l’enfant Jésus capée de blanc, une croix couverte de roses au cœur charnu ramenée comme à soi sur la poitrine, le cou bandé de coton immaculé, les pas perdus dans une sombre robe de bure, donne aux cieux un regard absent étrangement maquillé. Le climat déborde des mains et des yeux. Tout est prêt. Nous sommes sur la mezzanine qui fait face au cœur et sert de toit au seuil. Mathieu est en bas, son long bras tatoué levé pour indiquer que tout peut commencer.
Beauty Thou Scene of Love – Welcome to all the pleasures, Z339 – Ode for Saint Cecila’s day – Henry Purcell – 1683 – Poème de Christopher Fishburn